Excursions et missions scientifiques; livrets guides:
• Au Maroc, une mission de dix jours particulièrement délicate: la traversée du Haut Atlas depuis Zahouiat Ahançal jusqu'à Tineghir, aux portes du Sud, avec Jean Arsène Jossen.
Il faisait froid en novembre 1984. Mais la moisson d'informations scientifiques sur l'histoire géologique de cette région fut très riche et valait bien quelques sacrifices !
Dans la vallée de Zahouiat Ahançal, il fait encore doux pour la saison. Mais sur les hauts plateaux, à près de 2500 mètres, c'est une autre chanson...
A Taghia, notre point de départ pour les sommets, c'est l'accueil des enfants devant le tente, le matin...
Rencontre d'un autre âge en remontant l'oued. La société occidentale et le "progrès" des moeurs soulagera peut-être un jour ces jeunes filles de leur fardeau...
Mais à quel prix ? Et dans quel bidonville ? Le poids des consciences coupables de la société judéo-chrétienne, les excès de la mécanisation et ceux de la société des marchands ne sont-ils pas aussi des charges trop lourdes pour les épaules de notre jeunesse européenne ? Le mal de dos est une affection d'actualité en Europe, mais qui n'est pas liée aux durs travaux domestiques. C'est devant le psy que le malaise de notre société se dévoile, et le dos des gens se courbe devant la loi des plus forts et des plus riches...Que signifie le sourire de ces adolescentes berbères ?
En route vers le sud, avec Jean-Arsène Jossen, à qui je dédie cette image en souvenir des moments magiques passés ensemble. Même si l'aventure a failli mal tourner ! Voir plus bas...
Une neige précoce, sur notre bivouac au premier col à 3000 mètres.
Regard vers le Sud, encore plusieurs jours de marche; un autre col en altitude restera à franchir, avant l'arrivée à Tineghir. Un désert absolu nous attend, avec la perte, heureusement temporaire, de nos mules et de nos provisions, au-delà de la cluse visible en haut de l'image. Malgré des averses de grêle, l'eau commence à manquer.
Au bas du col, la source tant espérée est tarie. Malgré le froid et l'humidité, on a vraiment soif. Il reste un peu d'eau croupie qui servira pour le thé. À quand le prochain point d'eau ?
Malgré les apparences, ce désert est habité par des nomades Aït Atta, en route pour le jbel Saghro, où se trouve leurs quartiers d'hiver. Les gosses sont pieds nus dans les éboulis glacés. La plupart de ces gens sont malades de la tuberculose, comme d'ailleurs nos deux muletiers. Ici on assiste peut-être, impuissants, à la fin d'une société millénaire. Pourtant cette femme affronte son quotidien sans se plaindre; comme tous les habitants du bled, elle nous demandera quelques médicaments, de l'aspirine... un peu pour le principe.
À la belle saison, il y a heureusement de l'herbe et de l'eau en abondance dans certaines vallées perchées, comme ici au Talmest de Z.Ahançal. Nous sommes reçus en grande cérémonie. J'espère qu'un exemplaire de cette photo a pu arriver à son destinataire, le Monsieur à droite, un ancien combattant de Mt Cassino, près de Naples. Le facteur ne passe pas très souvent, mais nous avons quand même croisé un marchand ambulant, qui vendait de tout...
Dans le Sud, nous croisons le camion du souk qui a quelques difficultés au passage d'un gué. C'est déjà la crue en plaine, après la fonte des premières neiges. Pour nous c'est bientôt la fin de cette mission.
En guise de conclusion, quelques réflexions extraites de mon carnet de terrain en 1984:
Il est banal de dire que beaucoup de minorités ethniques très anciennes ont disparu ou ont été (mal) "assimilées", autour de la planète, à commencer par les Indiens d'Amérique ou d'Amazonie ou encore les aborigènes d'Australie etc. La liste serait longue... Et pourtant, une société millénaire, malgré l'islamisation et la colonisation continue à survivre en autarcie presque complète: les Berbères. Ce sont les derniers "Indiens" que la société moderne n'a pu intégrer à son délire de consommation. Il y a trois raisons simples à cela:
1. Le sous-sol du Haut Atlas (et de la chaîne du Rif) ne contient pas d'hydrocarbures ou de ressources minérales importantes comme l'uranium. Ces gens ont échappé à la "malédiction du pétrole"; ils n'intéressent personne, donc on les laisse relativement tranquille. L'exemple désastreux du Sahara algérien (Hassi Messaoud) ainsi que du Niger où les Berbères Touareg sont réduits à une sorte d'esclavage moderne (carrières de pechblende radioactive) est significatif.
2. Le relief agressif du Haut Atlas est le meilleur des remparts contre la "civilisation". Dans le Rif, il a fallu des années aux armées françaises (Pétain) et espagnoles (Franco) pour réduire la dissidence d'Abdelkrim dans les années 20. Des chevaux contre des mitrailleuses et des canons !
3. Les missionnaires chrétiens n'ont pas vraiment cherché à influencer la société berbère déjà islamisée par l'invasion arabe au Moyen âge. Lors de la "pacification", certains militaires comme René Euloge (cf. ses écrits) ont su respecter et comprendre ce peuple hors du temps. À noter que les Berbères pratiquent un Islam très modéré, tempéré de fétichisme. Leur langue est le "tamazight" mais ils n'ont hélas pas d'écriture, si ce n'est le "tifinar" dans le grand Sud.
Je termine sur une note pessimiste, malgré le tableau plutôt positif décrit ci-dessus. De nouveaux dangers, autrement plus graves, menacent cette société jusque-là relativement épargnée: le tourisme de masse d'abord, avec les grands trusts de voyagistes, ces marchands d'évasion qui ne recherchent évidemment que leur profit immédiat pour faire tourner leurs boutiques (Club Med, Terres d'Aventures et autres...). Au col du Tichka, on croise un 4X4 ou un minibus par minute en route vers le sud. Les chauffeurs (Marocains) surexploités dorment à peine, et les accidents de la route fréquents. Le touriste est un bien de consommation et le rapprochement des peuples prôné par certains politiciens d'Afrique et d'Europe est un leurre absolu. Quant à la population locale, elle profite très peu de cette manne venue d'ailleurs; les gens sont sous-payés et cette activité est très volatile.. Comment réagira la société berbère en face des Européens aisés, qui croient, par leur présence et en toute innocence, participer au développement du pays? La terre marocaine est riche est devrait revenir aux "fellah"; mais il est trop tard, dans le passé Ben Barka en est mort, torturé à Paris ! Et les jeunes berbères,"instruits" ou non veulent rejoindre le Paradis de la Communauté européenne.
Dans l'Atlas, le changement climatique se traduit par un manque d'eau, et l'exode vers les (bidon)villes paraît inévitable. Depuis longtemps la déforestation a ruiné le paysage. Enfin, comme dans tout le tiers monde, la démographie galopante, encouragée par les religions officielles (Islam, Catholicisme etc...) conduit inexorablement les sociétés berbères et d'Afrique noire vers l'exil.
Alors, qu'elle est la recette devant ce constat affligeant ? Evidemment, il n'en existe aucune. Les civilisations se développent au hasard des événements historiques et climatiques; malgré les satellites et les mobiles la sagesse des grands penseurs ne passe pas le filtre des médias. Comme les dinosaures et les premiers mammifères (au Trias) nous sommes le jouet des événements et de la contingence et notre gros cerveau ne nous sortira pas de ce chaos historique !
(Mais que vient faire la Paléontologie dans ces réflexions existentielles ?)
Je referme mon carnet...
• De retour en Europe, excursions régionales, dans les Préalpes et le Jura:
63. SWISS-SED 89, le "mudmound" de Sommant près de Mieussy (Haute-Savoie, France); avec livret guide (non publié).
- Excursion thématique organisée en 1988 avec le Groupe du Briançonnais sur la sédimentologie et la paléotectonique des Préalpes de la région de Taninges (mélange tectonique à écailles carbonifères dans le Tertiaire inférieur) et du Chablais oriental ( mégastructure d'inversion synsédimentaire), Haute-Savoie, France (voir réf. publ. no 6 et 36).
- Excursion organisée en 1992 pour la SVSN dans le massif du Vanil-noir (Fribourg).
- Excursion organisée en 1993 pour la SVSN à la Vallée de Joux: les dépôts glaciaires et le Mammouth du Brassus (Vaud).
Commentaire: voir aussi l'article de Jocelyn Rochat dans Allez-savoir du 7 janvier 1997, p.18.